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Religion et entreprise privée

vendredi 24 novembre 2017

(publication initiale de cet article le 11 juin 2017, mise à jour le 24 novembre 2017)

En ce début 2017, deux publications viennent de préciser le cadre dans lequel le fait religieux peut s’articuler avec le fonctionnement interne de l’entreprise.

Décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 14 mars 2017
(CJUE, affaires C-157/15 et C-188/15, com. du 14 mars 2017)

La CJUE vient de décider qu’une entreprise, dans son règlement intérieur, pouvait parfaitement, sous certaines conditions, interdire le port visible de signes religieux, politiques et philosophiques, ce afin de conserver sa neutralité.

Cette décision est un simple avis, rendu à la demande de la France et de la Belgique, et il appartiendra aux États de trancher ensuite les litiges en question.

Addendum du 24 novembre 2017 : par un arrêt récent [1]la Cour de cassation reconnait la validité d’une telle clause de neutralité - qui doit concerner tous les signes religieux - insérée dans le règlement intérieur, tout en apportant une condition supplémentaire : celle-ci ne s’applique qu’aux salariés en contact direct avec la clientèle.

Dans le cas belge, une jeune femme de confession musulmane avait informé son employeur de sa décision de porter le voile, malgré la politique de neutralité signifiée oralement puis par écrit par l’entreprise. Dans le dossier français, il s’agit du licenciement d’une musulmane portant le foulard au moment de son embauche et qui avait ensuite refusé de l’enlever malgré la plainte d’un client.

Publication du Guide du fait religieux en entreprise le 26 janvier 2017

Ce document est un guide à destination des employeurs et des salariés. Après une introduction rappelant les principes et règles juridiques, il fournit en deux versions une série de questions/réponses sur des situations pratiques. Voici une synthèse de la publication consultable ici.

Thèmes abordés ci-dessous, dans l’ordre :


LES PRINCIPES

La liberté de religion

C’est la liberté de croire mais aussi de ne pas croire, de pratiquer une ou aucune religion, d’en changer.
Il convient par contre de distinguer la liberté de croyance et la liberté de manifester cette croyance. La première est absolue tandis que la seconde peut être restreinte.

La laïcité

La laïcité, issue de l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et reprise dans l’article 1er de la constitution, pose le principe de la neutralité de l’État en matière religieuse.
Cependant, l’entreprise privée n’est pas tenue à cette obligation de neutralité, et se doit de respecter la liberté de ses salariés et de ses clients de manifester leur religion, dans les limites du bon fonctionnement de l’entreprise, et avec une obligation de non-discrimination.

Ce que prévoit le code du travail

L’employeur a la faculté d’introduire dans le règlement intérieur des dispositions instaurant une neutralité au sein de l’entreprise et donc la limitation de l’expression des convictions personnelles (religieuses) des salariés :

  • justifiées par la nature de la tâche à accomplir, les nécessites du bon fonctionnement de l’entreprise ou l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux,
  • proportionnées au but recherché.

Quelques exemples

La mise en place de la neutralité pourra être justifiée :

  • par les nécessités de l’activité de l’entreprise comme le contact permanent avec des enfants et leurs parents (crèche),
  • lorsqu’une pratique religieuse porte atteinte au respect des libertés et droits de chacun :
    • prosélytisme ou comportements exerçant une pression sur d’autres salariés,
    • atteintes à l’égalité entre les femmes et les hommes, agissements sexistes,
    • atteintes à la dignité et au respect de la personne humaine.


OFFRE D’EMPLOI, ENTRETIEN D’EMBAUCHE

La religion peut-elle être évoquée ?

La question de la religion ne peut ni figurer dans l’offre d’emploi, ni être évoquée lors de l’entretien d’embauche, ne serait-ce qu’en rapport avec les horaires de travail. Seule la confirmation de l’adéquation des horaires ou périodes de l’année avec les possibilités du/de la candidat(e) est envisageable.


EXÉCUTION DU TRAVAIL

Refus d’exécuter certaines tâches de son travail ou de travailler à certains moments

Un tel refus est constitutif d’une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire, que la motivation soit religieuse ou non.

Refus d’obéir aux ordres de sa supérieure hiérarchique parce qu’elle est une femme

Il s’agit également d’une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire, en plus de constituer un agissement sexiste interdit par le code du travail.

Absence sans autorisation pour célébrer une fête religieuse.

Encore une fois, il s’agit d’une faute, quel que soit le motif, qui pourra justifier une sanction proportionnée aux conséquences pour les autres salariés, les clients, à sa fréquence.

Jeûne motivé par des questions religieuses.

L’employeur ne peut pas contraindre le/la salarié(e) à le rompre, ou prendre une sanction.
Cependant, il est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du/de la salarié(e) et de ses collègues, donc le cas échéant le/la retirer par précaution de son poste de travail, sans être tenu de maintenir la rémunération, ou procéder à un changement d’affectation.

Interdiction de porter des tenues ou symboles religieux (voile, kippa, turban...)

Le règlement intérieur peut prévoir une telle interdiction, à condition de la justifier par des motifs répondant aux exigences posées par la loi, telles que :

  • la protection de la santé et la sécurité des salariés (interdiction de certaines tenues, bijoux...),
  • le respect de la clause de neutralité présente dans le règlement intérieur.


COMPORTEMENT, ORGANISATION

Prosélytisme

Exprimant la volonté de recruter des adeptes ou d’imposer ses convictions, notamment religieuses, à d’autres salariés, constitue un abus de la liberté d’expression, le prosélytisme est donc interdit.

Organisation de fêtes religieuses par les salariés ou l’employeur au sein de l’entreprise.

L’employeur ne peut pas exiger que ses salariés participent aux fêtes qu’il organise. Celles issues de l’initiative des salariés pourront être autorisées ou pas ; dans le premier cas, l’employeur devra veiller à ce que chacun puisse y participer s’il le souhaite, sans discrimination, et devra traiter toutes les demandes de ce type selon les mêmes critères.

Prière

Un(e) salarié(e) peut prier pendant son temps de pause si cela ne perturbe pas l’organisation du travail. S’il s’agit du temps de travail ou que cela gêne l’exécution de celui de ses collègues, l’interdiction est justifiée.

Demande de remplacer les jours chômés dans l’entreprise par les jours de fêtes religieuses

Lors d’une telle demande, l’employeur pourra demander au/à la salarié(e) de prendre un jour de congé ou autoriser l’absence si la bonne marche de l’entreprise n’est pas entravée.

Demande de mise à disposition d’une salle de prière

L’employeur n’est pas tenu d’accéder à une telle demande, et peut interdire aux salariés d’occuper sans autorisation une salle. En cas d’autorisation, l’avantage accordé devra également l’être aux salariés d’une autre religion.


[1Cass. soc. 22 novembre 2017, n°13-19.855 FPPBRI

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