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Guichet Unique des formalités ou catastrophe industrielle ?
mercredi 21 février 2024
Développé par l’INPI, le Guichet Unique des formalités des entreprises est devenu obligatoire au 1er janvier 2023 pour toutes les formalités de création, modification ou cessation d’activité.
Il a remplacé à cette date tous les Centres de Formalités des Entreprises (tenus jusque là, selon la forme d’activité, par les Greffes de tribunaux de commerce, URSSAF, centres des impôts...) en promettant « Un gain de temps considérable pour les cinq millions d’entreprises qui sont confrontées chaque année à ces formalités ! ».
Dans la pratique, ce fut en réalité une perte de temps considérable (et de cheveux) pour les entreprises, cabinets d’expertise-comptable, avocats et juristes, pour de multiples raisons :
- difficultés d’accès / encombrements,
- exigence de documents et informations non requis jusque là (car non obligatoirement établis),
- signature électronique obligatoire avec certificat qualifié, ou au minimum connexion avec une « identité substantielle » (par exemple l’identité numérique de La Poste, qui permet de se connecter à travers « FranceConnect+ »)...
Devant le désastre, une procédure d’urgence a été mise en place pour les premiers mois de 2023, prolongée en juin jusqu’à la fin de l’année. En fin d’année 2023, le gouvernement a même annoncé qu’une procédure était à l’étude pour faire face aux éventuelles pannes du Guichet Unique en 2024. C’est dire le niveau de confiance dans cette énième usine à gaz / réinvention de la roue (biffer la mention inutile).
Il n’y a qu’à consulter le schéma récapitulatif de la procédure d’urgence 2023 pour constater l’étendue des dégâts (et le niveau de nos efforts constants, depuis des dizaines d’années, pour la « simplification administrative »).
Il y a de quoi halluciner, n’est-ce pas ?
Plus d’un an après le big bang du passage obligatoire par le GU, les difficultés sont toujours présentes, en grand nombre. De nombreuses procédures sont bloquées ou largement retardées, entraînant parfois des préjudices importants pour les entreprises.
Voici quelques exemples des blocages, erreurs de conception ou demandes illogiques rencontrées par mes confrères et moi-même (liste non exhaustive) :
- des indisponibilités ou blocages à la connexion régulières (démonstration ci dessous avec des tentatives pendant plus d’une heure)
- des formulaires complexes, avec des informations non demandées par le passé, dont certaines obligatoires, dont certaines n’apparaissant pas à la première tentative de remplissage mais après une première validation,
- des formulaires complexes (bis), avec des blocs qui une fois passés, sont agrandis (avec de nouveaux champs à remplir) par un clic dans un bloc situé... plus bas,
- en cas de refus d’un document, d’une nouvelle demande, aucune possibilité d’échange de messages pour demander ou apporter des précisions,
- des nœuds au cerveau avec la partie liée aux bénéficiaires effectifs (on part de 2 BE, l’un gérant l’autre pas, lesquels échangent leur mandat de gérant... et on se retrouve avec 2x2 BE donc 2 en trop, à supprimer, mais lesquels ?!),
- dans le même exemple, l’attestation de non condamnation et de filiation est demandée en fin de procédure pour... l’ancien gérant (cherchez l’erreur !),
- refus de pièces jointes au format PDF à cause du nom du fichier,
- rejet pour cause d’absence de rappel d’ordre du jour sur le PV des décisions ordinaires de l’associé unique,
- certification conforme d’un PV sur la dernière page au lieu de la première,
- impossibilité selon l’INPI de faire 2 modifications (décidées en une seule AGE), par exemple transfert de siège et ajout d’activité, en une seule fois, puis rejet par le Greffe en raison de la présence d’une seule AG,
- messages de rejets abscons (par exemple « Merci de bien vouloir renommer le document "copie de la décision conférant la qualité de représentant permanent" par "acte de nomination d’organe de gestion" »),
- formalité de transfert de siège ayant nécessité la mise à jour des bénéficiaires effectifs, bloquée par cette mise à jour malgré de nombreuses tentatives de correction (chacune tarifée 1,36€), mais transmise pour la partie siège au Greffe et à l’INSEE qui ont délivré un kBis à jour alors que les demandes de correction (2 par jour, par courriel) continuaient à tomber inlassablement,
- 40 jours de délai entre une demande d’assistance et la réponse permettant de débloquer le dossier (en 12/2023),
- formalité réglée pour 186,11€, avec un supplément de 1,36€ pour tentative de régularisation, suivie d’un rejet (sans aucune explication) et d’un remboursement royal de 5,90€ (suite à quoi on me demande des justificatifs de paiement et une « demande écrite » de remboursement...),
- la demande farfelue de dater la « fin de l’existence de la société » du jour qui suit la date à laquelle on fait la formalité. Pour une dissolution votée en AGE au 30 novembre (oui, le guichet unique est tellement bien fait qu’on accumule souvent du retard) et faite le 27 février, il faut donc indiquer... le 29 février (le 28 est refusé !). Alors que la fin de l’existence c’est soit la date de dissolution, soit la clôture de la liquidation, mais qu’aucune n’a de lien avec la date à laquelle on fait la formalité. Et que 27+1 ça fait 28, mais bon, on n’est plus à ça près...
- en cas de régularisation de la formalité (par ex : erreur dans le nom du journal d’annonces légales, effectivement c’est une erreur majeure vu que le justificatif est fourni en pièce jointe !!!), rejet des corrections parce que ce même 29 février n’est plus bon (effectivement, un mois s’est écoulé avant que le Greffe n’examine le dossier), qu’il faut le corriger (alors qu’il ne correspond à rien)... mais le champ en question n’est plus accessible dans aucun formulaire !,
- coûts de formalités complètement erratiques : pour un changement de gérant, demande initiale de 44,65€, puis 15j plus tard "régularisation" demandée pour 199,27€, suivi d’un remboursement de 19€, et en définitive la somme des paiements est supérieure de 5,90€ à la facture émise,
- soucis de communication entre les Greffes et l’INPI (ou guéguerre, les premiers saisissant la moindre occasion de rejeter les formalités afin de saboter au maximum le dispositif ?) qui se traduisent par des messages (abs)cons comme celui-ci :
Je précise que les exemples ci-dessus ne représentent que quelques semaines d’utilisation de cette nouvelle pépite pondue par nos élites en roue libre...
Ce billet d’humeur a vocation à être complété par d’autres exemples croustillants.